Il était une fois le 20e… Le square des saint-simoniens, mémoire utopique à Ménilmontant

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Mise à jour le 16/10/2025

Illustration pour les origines du square des saint-simoniens
Perché sur les pentes de Ménilmontant, dans le 20e arrondissement de Paris, le square des saint-simoniens est plus qu’un simple lieu de promenade. Il abrite la mémoire d’un rêve collectif né au XIXe siècle : celui du saint-simonisme, mouvement utopiste prônant le progrès social, la fraternité et l’émancipation humaine. De la maison de Prosper Enfantin à l’espace vert contemporain, ce lieu porte les traces d’un idéal réformateur.
📍 151 rue de Ménilmontant

Le square des saint-simoniens, un havre de calme et de verdure

Ce n’est qu’en 1937 que le terrain fut transformé en square public.
Aménagé sur les hauteurs du quartier Saint-Fargeau, il offrit un lieu de détente et de respiration aux habitants d’un arrondissement alors en pleine urbanisation.
En 1989, une Fontaine des Anonymes, œuvre du sculpteur Marnix Raedecker, fut installée : une sculpture abstraite qui rend hommage aux individus sans nom, en résonance avec la vocation humaniste du lieu.
Aujourd’hui, le square des saint-simoniens s’étend sur environ 4 000 m². Il conserve une atmosphère intime et discrète, à l’abri du tumulte de la rue de Ménilmontant. Ses allées bordées de rosiers, cerisiers du Japon, tulipes et plantes vivaces invitent à la flânerie, tandis que les aires de jeux, tables de ping-pong et bancs ombragés en font un espace apprécié des familles.
Le visiteur y trouve un équilibre rare entre mémoire historique et convivialité de quartier. Les habitants viennent y lire, bavarder ou simplement profiter du calme des arbres. De la communauté utopiste du XIXe siècle à l’espace vert contemporain, le lieu incarne une continuité : celle d’un idéal d’harmonie et de progrès partagé.

De la demeure d’Enfantin au berceau du mouvement des saint-simoniens

Avant de devenir un square, le site abritait, au début du XIXe siècle, la demeure de Prosper Enfantin, figure centrale du mouvement saint-simonien.
C’est là que, vers 1832, il réunit plusieurs dizaines de disciples pour former une communauté vivante selon les principes du comte de Saint-Simon : une société fondée sur la coopération, la justice sociale et la fraternité universelle.
Leur expérience communautaire, perçue comme subversive, fut rapidement surveillée puis dissoute par les autorités. Mais le site resta dans les mémoires comme le cœur d’une utopie sociale née à Paris.

Le saint-simonisme, une utopie moderne avant l’heure

Le nom du square perpétue la mémoire du saint-simonisme, courant qui marqua durablement la pensée sociale française.
Le saint-simonisme naît au début du XIXe siècle autour du philosophe et économiste Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825).
Son idée : réorganiser la société selon les principes de la science, du travail et de la solidarité. Après sa mort, ses disciples — Prosper Enfantin, Bazard, Michel Chevalier… — diffusent sa pensée et forment un mouvement quasi religieux, prônant une foi nouvelle centrée sur le progrès humain.
Principes essentiels du saint-simonisme :
  • la fin des privilèges héréditaires
  • la primauté des « producteurs » (ingénieurs, ouvriers, scientifiques) sur les oisifs
  • l’émancipation des femmes
  • la fraternité universelle entre les peuples
  • la croyance dans la mission civilisatrice et industrielle de l’humanité
Bien que la communauté de Ménilmontant ait été dissoute en 1832, ses idées ont influencé durablement le socialisme français, les politiques de développement industriel et certains courants du féminisme naissant.
De nombreux ingénieurs des grands travaux du XIXe siècle — canaux, chemins de fer, percement du canal de Suez — furent d’anciens saint-simoniens.