Avec « Desmemoria », Laetitia Tura donne à voir l’exil et ses mémoires, hier et aujourd’hui

Actualité
Mise à jour le 21/04/2022
À la suite des expositions « Le rire des amants, une épopée afghane » qui a rencontré beaucoup de succès début 2022 et « D’un confinement à l’autre » programmée en 2020-2021, le Pavillon Carré de Baudouin poursuit son cycle artistique sur les migrations et les départs forcés avec l’exposition Desmemoria de Laetitia Tura, photographe et réalisatrice sous le commissariat de Bérénice Saliou.

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Avec l'exposition Desmemoria, Laetitia Tura tisse des fils entre les récits des réfugiés qui franchissaient hier la frontière franco-espagnole pour fuir le fascisme et ceux d’aujourd’hui, qui suivent le même chemin après avoir parcouru des milliers de kilomètres au péril de leur vie. L’exposition donne à voir des quêtes de liberté, des désirs de vie, qui se heurtent à l’aveuglement à l’oubli et au bégaiement de l’histoire.

La mémoire des crimes franquistes en Espagne

Après la mort du dictateur Franco, le « pacte de l'oubli » est établi en Espagne comme condition de la réconciliation. L’oubli des traumatismes de la guerre et des crimes de la dictature est inscrit juridiquement dans les textes fondateurs du nouvel État. Trente ans plus tard, le verrou saute. Les victimes et leurs descendants dénoncent l’illusion de l'amnésie-amnistie fondée sur leur silence et la négation de justice. Ce processus aboutit en 2007 à une loi nommée Memoria historica, pour que « soient reconnus et étendus les droits et que soient établis des moyens en faveur de ceux qui ont souffert de persécution ou de violence durant la guerre civile et la dictature. ». L’Espagne doit désormais faire face au devenir des restes humains, et certaines régions, comme la Catalogne, adoptent un protocole d’ouverture des fosses communes, pour tenter d’exhumer et d’identifier les corps. Leur nombre donne le vertige… Paradoxalement, alors que se joue le processus de réhabilitation des mémoires des vaincus de la guerre d’Espagne, l’application de politiques d’inhospitalité et d’exclusion des exilés du Sud par les États européens, font de la Méditerranée une autre fosse commune.
L'exil au Pavillon Carré de Baudouin
L’exposition « D’un confinement à l’autre », organisée de novembre 2020 à février 2021 dans le cadre du Festival « Visions d’exil », présentait la vision de ce moment inédit de la part d’artistes exilés
L’exposition « Le rire des amants, une épopée afghane », du 21 janvier au 2 avril, faisait découvrir les univers de 6 artistes contemporains exilés et leur travail autour de l’Afghanistan

La fabrique de la mémoire et de l’oubli autour de l’exil

Avec cette exposition réunissant des films et photographies, fragments de travaux au long cours, Laetitia Tura interroge la fabrique de la mémoire et de l’oubli en tissant des échos à travers le temps et l’espace, entre Espagne et France, terre et mer, images d’archives personnelles et documentaires. Elle matérialise pudiquement avec l’image, les milliers de kilomètres parcourus à pied, en train ou en bateau par Karim, Kassoum ou Sofiane, leurs tentatives de construction entravées par les procédures administratives et judiciaires visant à déterminer leur minorité, la rétention en camps et les menaces d’expulsion du territoire français. Elle pointe ainsi un bégaiement de l'Histoire et illustre symboliquement le glissement de la figure de « l’indésirable » contre laquelle se mobilisent les mouvements identitaires et fascistes qui se propagent en Europe.
Alors qu’une nouvelle guerre fait rage en Europe, contraignant des millions de personnes à quitter leur foyer et mettant une nouvelle fois à l’épreuve la notion d’hospitalité, les portraits poétiques de témoins du passé et du présent, paysages, traces et récits, rappellent que la mémoire ne se confisque pas.
Exposition Desmemoria
📅 du 22 avril au 2 juillet 2022
📌 Pavillon Carré de Baudouin, 121 rue de Ménilmontant, 75020 Paris
⏰ Du mardi au samedi de 11h à 18h et le jeudi de 11h à 19h

Commissaire de l'exposition : Bérénice Saliou