Il était une fois le 20e… La Rue du Groupe-Manouchian
Mise à jour le 21/02/2022
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La rue du Groupe-Manouchian est une voie du 20e arrondissement située entre la rue du Surmelin et l’avenue Gambetta. Elle porte ce nom depuis 1954 en hommage à un groupe de résistantes et résistants fusillé·e·s par les occupants en 1944.
Le 21 février 1944, les 23 résistantes et résistants FTP-MOI du Groupe Manouchian sont exécutés. Ils étaient immigrés, juifs, communistes, ils sont morts pour la France, ils sont la France.
En ces temps où la menace fasciste plane, ne les oublions pas.
Éric Pliez
maire du 20e arrondissement
La rue du Groupe-Manouchian, hommage du 20e à la Résistance
En 1954, les impasses Fleury et du Progrès sont réunies en
une unique rue du Groupe-Manouchian. C’est le résultat d’une proposition portée
par des Conseillers d’arrondissement communistes du 20e qui
souhaitait rendre hommage à ce groupe de résistants.
À l'occasion de l'inauguration de la rue, Aragon écrit un
poème, Strophes pour se souvenir,
librement inspiré de la dernière lettre que Missak Manouchian adressa à son
épouse Mélinée. Ce poème sera mis en musique en 1959 par Léo Ferré sous le
titre L'Affiche rouge.
Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA France
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.
Aragon/Léo Ferré
Strophes pour se souvenir/L’Affiche rouge
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Le Groupe
Manouchian, c'est un groupe de résistantes et de résistants communistes. Il
s’agit de 23 membres des Francs-Tireurs et Partisans – Main-d'Œuvre Immigrée
(FTP-MOI), résistants de la région parisienne. On leur a donné le nom de leur chef, Missak Manouchian, immigré
arménien rescapé du génocide et figure de la résistance armée. Ils ont été
fusillés par l'occupant le 21 février 1944.
Le Groupe
Manouchian est également connu sous le nom de « l’Affiche rouge ». Il
s’agit d’une affiche de propagande nazie qui avait pour objectif d'assimiler
ces résistants à des terroristes, tout en jouant les cartes traditionnelles de
l'anti-bolchevisme, de la xénophobie et de l’antisémitisme.
L'affiche eut
sur la population l’effet contraire à celui recherché par les Allemands. Les
passants manifestèrent souvent des réactions de sympathie vis-à-vis des
résistants dont la photo avait été reproduite sur l'affiche, et les articles de
soutien furent nombreux dans la presse clandestine.
Les membres du « groupe Manouchian » exécutés
Celestino Alfonso, Espagnol, 27 ans
Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, exécutée en Allemagne le
10 mai 1944)
Joseph Boczov, Hongrois, 38 ans - Ingénieur chimiste
Georges Cloarec, Français, 20 ans
Rino Della Negra, Italien, 19 ans - Footballeur du Red Star Olympique
Thomas Elek, Hongrois, 18 ans – Étudiant
Maurice Fingercwajg, Polonais, 19 ans
Spartaco Fontanot, Italien, 22 ans
Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans
Emeric Glasz, Hongrois, 42 ans - Ouvrier métallurgiste
Une fresque en hommage au groupe Manouchian a été réalisée
non loin de la rue du même nom, à l’angle de la rue et du passage du Surmelin.
Elle est le fruit de l’initiative de la copropriété de l'immeuble, en
collaboration avec la mairie du 20e, le Conseil de quartier et l’association
Art Azoï.
Elle est l'œuvre Artof Popof, street-artiste
mondialement reconnu.
Lettre à Mélinée Manouchian
La lettre à de Missak Manouchian à Mélinée Manouchian, sa femme, également
résistante, qui inspirera Aragon pour son poème.
« Ma chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,
Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous
allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m'arrive comme un
accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne te
verrai plus jamais. Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair
en même temps.
Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat
volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux
qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de
demain.
Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants
de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement.
Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine
contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il
méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les
autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera
plus longtemps. Bonheur à tous…
J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse,
j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te
prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour
mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu'un
qui puisse te rendre heureuse.
Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à
ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de
pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de
l'armée française de la libération. Avec l'aide des amis qui voudront bien
m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus. Tu
apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie.
Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le
courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car
personnellement, je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai
fait sans haine.
Aujourd'hui, il y a du soleil. C'est en regardant le soleil
et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous
tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis.
Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal
sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont
vendus.
Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis
qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cour. Adieu.
Ton ami, ton camarade, ton mari.
Michel Manouchian.
P.S. J'ai quinze mille francs dans la valise de la rue de
Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. »
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